Affiche le pardon

*Une affiche, et une seule, en Evaric. Une autre sur le mur extérieur.
Des parchemins sont disséminés hors de la ville, jusqu'en des lieux
improbables, de la Croisée au Marais, de la Carrière au Cimetière*

Bonjour,

Veuillez me pardonner si je vous dérange dans vos activités quotidiennes.
Ce parchemin, je le crains, ne fera que vous ennuyer un brin.
Mais pardonnez-moi, et lisez donc ceci l'esprit ouvert si vous avez un peu de temps devant vous.

Je
pourrais vous dire quelque chose comme "il n'est rien de plus indigne
d'un peuple civilisé que de se laisser, sans résistance, régir par
l'obscur bon plaisir d'une clique de despotes". Mais je ne me le
permettrais pas. Ce serait inconvenant.
Devenir une masse dénuée d'esprit, d'individualité, de courage est une chose confortable. Peut-on vous en vouloir?
Je
pourrais aussi vous dire que la Vengeance avilit, et que le Pardon
élève. Mais à quoi bon? Vous l'apprendrez, quand le bandeau qui vous
aveugle sera tombé.

Beaucoup se sont battus pour la liberté, ou
le pouvoir. Contre une tyrannie. Mettant une nouvelle forme de tyrannie,
pire encore peut-être, en place. Ils se retrouvent ainsi sans libertés,
sans pouvoirs.

Mais l'essence tragique de vos vies n'est pas. Vous ressemblez à la vérité à un troupeau d'hommes, lâches, sans volonté, obéissant à tous les maîtres, prêts à se laisser mener à l'abîme.
Par un long système de violation des consciences, on a obligé chaque
individu à se taire ou à mentir. Peu d'hommes et de femmes eurent le
courage de dénoncer ce mal.

Pierre Tevel, Ysabel Croixdelune,
Sirric, Fell, pour ne citer qu'eux. La mort fut leur seule récompense.
Il y aura beaucoup à dire sur le destin de ces héros.

Si chacun
attend que son voisin commence, nous verrons se rapprocher le jour
terrible de la vengeance. Peut-être pensez-vous la même chose. Vous
croyez peut-être que vous avez déjà perdu votre humanité, qu'il est trop
tard. Prouvez par l'action que vous pensez autrement. Déchirez le
manteau d'indifférence dont vous avez recouvert votre coeur.
Décidez-vous, avant qu'il ne soit trop tard.

Permettez à présent que je m'adresse aux diverses factions :

A
l'Apostolat : je peux comprendre que vous puissiez considérer
qu'abattre un adversaire à la fois est la meilleure chose, et que
maintenir une ambiance malsaine de conflits est une excellente idée. Je
peux comprendre que vous puissiez craindre ceux détenant l'autorité, et
leur obéir. Il est logique de croire que la fin justifie tous les
moyens. Ne plus répandre le dogme de Baine, mais servir le dogme de
Cyric, c'est là une chose cynique parfaitement admirable, chacun en
conviendra.

Au Synode : vous vous êtes perdus. Un indice :
l'essence du Synode a été la résistance à l'oppression. Le Chapitre a
voulu vous faire renier votre essence, en vous faisant signer un bout de
papier sur la neutralité. Triste destin. Coup classique, d'obliger les
gens à renier leurs convictions en les forçant à agir contre elles.

A
l'Egide : vous avez votre responsabilité dans ce qui s'est produit.
Vous aurez votre responsabilité dans ce qui se produira. Ne l'oubliez
jamais.

Au Chapitre : à se comporter comme des bêtes, on
pourrait penser qu'on a eu raison de vous mettre en cage. C'est là ce
que peut dire l'homme se pensant intelligent et subversif. Je me
contenterais de vous dire : n'oubliez pas le Saint et le Martyr.

Il
faut à présent conclure : je me montre accusatrice, voire insolente.
J'accuse des gens que je ne connais, que je n'ai même souvent jamais vu,
je n'ai contre eux ni rancune, ni haine. Ils ne sont pour moi que des
entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l'acte que j'accomplis
ici n'est qu'un moyen révolutionnaire pour hâter l'explosion de la
vérité et de la justice.
Nouvelle arrivante, je ne fais que transmettre ce que l'on m'a dit. Et transmettre ma passion.
Je
n'ai qu'une passion, celle de la lumière. Au nom de l'humanité, qui a
tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n'est
que le cri de mon âme. Qu'on ose donc me traduire en justice -c'est
volontairement que je m'expose-.

Cette affiche en Evaric sera
arrachée, avec un rire moqueur, ou les yeux plissés et les lèvres
serrées, ou encore sera observé avec dépit ou avec une indifférence
feinte. Et je vous pardonne.
Les autres, n'oubliez pas ces mots, murmurez-les, distribuez-les. Soyez prodigues.

Pardon de vous avoir donné mon humble avis. Pardon si je vous ai dérangé. Pardon si je vous ai pris de votre temps.

Et merci.

C.P

*Quelques parchemins disséminés en extérieur, les anciens commençant à se dégrader et à retourner au sein de Mère Nature*

Adressé à nos concitoyens et au peuple d'Evaric et de Merulyan :

Le Pardon informe que des mesures seront prises à Evaric d'ici une dizaine de cycles à compter de ce jour.
De fait, le Pardon encourage les personnes souhaitant éventuellement éviter ces mesures à se trouver une colonie d'accueil.
A l'heure actuelle, le Chapitre n'a aucune colonie.

Pour
les personnes faisant confiance au Pardon, et nous savons qu'il s'agit
de la majorité, nous promettons de nombreuses réjouissances !
Car le Pardon a à coeur de tirer un trait sur les souffrances passées,
D'apporter de constantes améliorations au système actuel pour améliorer le bien-être de ses citoyens,
Et de leur offrir des moments inoubliables, de détente, de joies et de surprises.

Eau douce et rire léger !

C.P

P.S
: voici ce que j'entendis de la bouche d'Eléagane, un matin : «On ne
peut pas s'imaginer à quel point il faut tromper un peuple pour le
gouverner». Or le mensonge finit par tout corrompre. Relisez l'affiche
du Chapitre de la Vengeance, et voyez quelles sombres augures les mêmes
mots annoncent. Relisez celle-ci, et voyez les promesses de libération
qu'elle contient.
Vous sentez, vous savez instinctivement où est la
menace pour votre survie, pour votre avenir, pour votre bonheur et votre
épanouissement.
Faites-vous confiance.

A dans dix cycles.

C.P

*Quelques parchemins en extérieur*

C.P vous informe :

-Le
Chapitre de la Vengeance désire utiliser les initiales C et P afin de
faire leur propagande. En effet, leur médiocrité les oblige, hélas, à
utiliser la réputation des autres pour redorer la leur. Cette affiche
sera donc la dernière. Nous ne communiquerons plus avec vous ainsi.

-Les
statues en or en Evaric, et celle au sein de la Taverne du Vol du
Corbeau, sont un monument au mauvais goût, à l'inutilité et la preuve de
la faiblesse du Chapitre, qui est hélas incapable d'être productif pour
ce monde. Regardez posément les divers projets, et notez le peu de
choses concrètes faites par le Chapitre, si ce n'est une cérémonie
ridicule, des statues masturbatoires et s'en prendre à deux femmes
vulnérables. Quelle force ! Quelle grandeur !

-Le Chapitre, nid
de vipères, a laissé aimablement fuiter quelques dossiers. Je vous en
donne un, à titre gratuit : le Chapitre aurait trouvé une pièce dans
lequel le temps est arrêté, et compte utiliser cela en adéquation avec
un autre artefact (un livre) afin de -pourquoi pas?- gagner en pouvoir.
Nous demandons pardon à l'Apostolat si leurs fameux alliés sont d'une
fiabilité douteuse. L'exigence qu'ils ont à l'égard de leurs membres,
l'ont-ils à l'égard de leurs alliés? Affaire à suivre.

-Le
Chapitre a une nouvelle politique. Le mensonge est désormais un pêché.
Et le meurtre est une chose mauvaise à leurs yeux. J'invite donc chacun à
devenir des parangons de vérité, grâce à l'Elu Eléagane.
Espérons
que la divinité de nos aimables membres du Chapitre ne leur tiendra pas
rigueur de leurs échecs répétés en matière de diffusion des dogmes. Car,
à part s'en prendre à un cocu perdu, qu'ont-ils réussi à faire si ce
n'est risquer de provoquer une guerre -chose interdite du dogme-, punir
le mensonge et renforcer les liens de loyauté et d'amitié de tous ceux
n'étant pas du Chapitre?

Pardon du dérangement,
Adieu pour l'instant.